La NASA entend s’attaquer aux «phénomènes anormaux non identifiés». «Boucliers volants», nuages phosphorescents… les archives regorgent de témoignages évoquant des «ovnis» du passé. Si certains ont été expliqués à l’aune de la climatologie ou de l’astronomie, d’autres restent extrêmement troublants.
Passer “du terrain du sensationnalisme à celui de la science” pour mieux étudier les “phénomènes anormaux non identifiés», c’est l’ambition affichée par la NASA dans un rapport rendu jeudi 14 septembre 2023. Le fruit d’une année de travail conjoint de 16 scientifiques mandatés par l’agence fédérale, quelques mois après que celle-ci a dévoilé pour la première fois la vidéo d’un ovni en conférence de presse.
C’est en 1947 que les États-Unis sont pris par la fièvre des soucoupes volantes lorsque l’homme d’affaires et pilote Kenneth Arnold affirme avoir vu, lors d’un vol au Mont Rainier (Washington), neuf demi-sphères volant à une vitesse prodigieuse. Au milieu du XXe siècle, l’hystérie autour des ovnis gagne l’Europe et atteint son paroxysme.
Pourtant, de tels témoignages ne datent pas d’hier, loin s’en faut. Des faits évocateurs sont en effet consignés dans les chroniques d’auteurs romains célèbres, ou encore dans la Bible. Le journaliste français David Galley a consacré tout un ouvrage à ces étranges observations, co-écrit avec Christian Doumergue : La Fabuleuse histoire des ovnis (Éditions de l’Opportun, 2021). «Ce qui est intéressant, c’est d’étudier le phénomène ovnis à travers le passé, à une époque où il n’y avait rien dans le ciel de technologique, ou en tout cas d’humain«, explique-t-il, insistant cependant sur l’importance de faire le tri dans ces archives, la plupart des cas d’observation d’ovnis ayant en réalité une explication climatique, météorologique, ou astronomique. Leur ouvrage permet également d’établir une bonne distance avec la communauté ufologue, qui voit souvent du sensationnel là où il n’y a que symbolique religieuse ou phénomène de paréidolie (fait d’associer une forme connue à un élément neutre).
Parmi les affaires «non classées» cependant, certaines restent particulièrement troublantes. Avec l’aide de David Galley, nous vous offrons ici un petit échantillon de ces «phénomènes anormaux non identifiés» observés à des époques où la pollution lumineuse n’existait pas, et où on regardait fréquemment le ciel puisque la population était majoritairement paysanne.
Ezechiel, et les humanoïdes étincelants «comme de l’airain poli»
Dès le VIe siècle avant J.-C., dans le Pentateuque (six premiers livres de l’Ancien Testament), Ézéchiel décrivait ainsi l’une de ses «visions», bien plus spectaculaire encore que le buisson ardent apparu à Moïse :
«Je regardai, et voici, il vint du septentrion un vent impétueux, une grosse nuée, et une gerbe de feu, qui répandait de tous côtés une lumière éclatante, au centre de laquelle brillait comme de l’airain poli, sortant du milieu du feu. Au centre encore, apparaissaient quatre animaux, dont l’aspect avait une ressemblance humaine. […] ils étincelaient comme de l’airain poli. […] ils allaient où l’esprit les poussait à aller, et ils ne se tournaient point dans leur marche. […] il y avait une roue sur la terre, près des animaux, devant leurs quatre faces. À leur aspect et à leur structure, ces roues semblaient être en chrysolithe, et toutes les quatre avaient la même forme; leur aspect et leur structure étaient tels que chaque roue paraissait être au milieu d’une autre roue. En cheminant, elles allaient de leurs quatre côtés, et elles ne se tournaient point dans leur marche. Elles avaient une circonférence et une hauteur effrayantes, et à leur circonférence les quatre roues étaient remplies d’yeux tout autour. Quand les animaux marchaient, les roues cheminaient à côté d’eux; et quand les animaux s’élevaient de terre, les roues s’élevaient aussi.»
Troublante description, qui fait beaucoup écho aux témoignages d’observation de «phénomènes anormaux non identifiés» plus contemporains. Avec cette mention de «roues remplies d’yeux tout autour», difficile par exemple de ne pas penser aux hublots lumineux d’une soucoupe volante. «On comprend, d’après le texte, que ces animaux, ces créatures, agissent directement par une forme de télépathie, sur les engins métalliques d’où ils sont sortis, qui sont à côté d’eux. Ce texte a nourri la théorie des anciens astronautes, qui défend l’idée que la Terre est visitée depuis des temps très très reculés. Les tenants de cette théorie ufologique vont beaucoup plus loin, convaincus par exemple que les géoglyphes de Nazca ont été tracés [au Pérou, dans la civilisation pré-inca, entre – 200, et 600, NDR] pour servir de pistes d’atterrissage«, explique David Galley.
Des «boucliers ardents» dans le ciel de Rome
«On avait vu dans le ciel des boucliers et un combat du soleil contre la lune» écrit Tite-Live dans son Histoire de Rome, au premier siècle avant J.-C.. Pline L’Ancien, au premier siècle, dans son Histoire Naturelle, décrit lui aussi des «armes célestes [venant] se heurter du levant et du couchant«, ajoutant «et celles qui étaient du côté du couchant furent mises en déroute«. Il mentionne, dans le même ouvrage «un bouclier ardent, jetant des étincelles» qui aurait «traversé le ciel de l’Occident à l’Orient«.
«Avec cette image de boucliers ardents dans le ciel, il faut quand même imaginer quelque chose de métallique et de brillant, même si on n’en sait pas grand chose«, commente David Galley, qui dit avoir été frappé par un récit en particulier. Il s’agit de quelques lignes extraites du Livre des prodiges de Julius Obsequens, un auteur très peu connu : «Il décrit un globe de feu de couleur d’or, descendu de nulle part, donc du ciel, arrivant en tournoyant quasiment au niveau du sol. Cette sphère y reste un laps de temps très court, avant de repartir très très rapidement vers le ciel. On a beau essayer d’interpréter cette observation par des phénomènes naturels, astronomiques, physiques, c’est compliqué. On se demande vraiment ce que les Romains ont pu voir, et je pense qu’on n’aura jamais la réponse.«
Au Moyen Âge, des vaisseaux voguant dans les nuages
Nous voici maintenant dans le Lyon du VIIIe siècle, au temps de l’évêque Agobard. Beaucoup de rumeurs circulent concernant les «tempestaires», des individus prétendument capables de déclencher la foudre et la grêle. Ces tempestaires sont accusés de ruiner les récoltes et déclenchent si bien l’ire des populations que Charlemagne émet un édit interdisant de troubler les airs et de provoquer des tempêtes. «A cette histoire de tempestaires se greffe une histoire encore plus extraordinaire qui est l’histoire des vaisseaux venus de Magonie«, raconte David Galley. Dans ses écrits, l’évêque Agobard, qui a été aux prises avec ces croyances populaires, mentionne des vaisseaux venus des nuages, apportant éclairs, tonnerre et grêle dans leurs sillages. De ces bateaux célestes, seraient sortis des humains venus récolter ce qui avait été détruit par les tempêtes. L’évêque témoigne avoir sauvé quatre personnes provenant prétendument de ces fameux vaisseaux et que la foule en colère s’apprêtait à lapider. «Tout cela sous l’égide de Dieu évidemment«, s’amuse David Galley : «On croirait de la science-fiction, c’est tout à fait unique pour cette époque. On est loin du bestiaire traditionnel des dragons et des trolls. Cette histoire ne sera reprise qu’au XVIIIᵉ siècle avec l’abbé de Villars, dans son livre Le Comte de Gabalis, très ésotérique. Il raconte à nouveau cette histoire de vaisseaux transportant des gens prétendant avoir vu quelque part un pays magnifique appelé ‘La Magonie’.«
L’évêque d’Agobard aurait-il pu se laisser aller à un exercice littéraire tout droit sorti de son imagination, à travers cette histoire de Magonie ? Après tout, le genre du «canard», un type de publications courtes au contenu sensationnaliste, faisait fureur à l’époque. Cependant, impossible que cette histoire relève de la fiction, d’après David Galley : «Agobard n’avait aucun intérêt à cela. C’est de la propagande d’Église, il va simplement récupérer cette histoire extraordinaire pour mettre en avant le pouvoir de Dieu, mais il ne l’a pas inventée.«
Le phénomène céleste de Nuremberg en 1561
Cette gravure, très connue des ufologues, est conservée à la Bibliothèque centrale de Zurich. Elle représente un phénomène céleste rapporté du côté de Nuremberg, en 1561. Voici le texte associé à l’image :
«En l’an 1561, le 14 avril au matin, entre l’aube et peu après, vers quatre ou cinq heures à la montre, est apparu sur le soleil alors qu’il se levait une vision effrayante et vue par nombre d’hommes et de femmes à Nuremberg, à la porte de la ville, et dans la campagne. D’abord sont apparus avec le soleil deux arcs rouge sang comme la lune dans son dernier quartier, en haut et en bas scintillant comme le soleil, et des couleurs de sang de chaque côté. Tout autour du soleil on voyait de nombreuses sphères, de couleur bleuâtre ou ferreuse ou noire. D’autres couleur de sang étaient formées en cercle de chaque côté du soleil. […] Il y avait aussi trois grands cylindres, un à main gauche, un à droite et un troisième au-dessus du tout. Et dans ces cylindres étaient quatre sphères ou plus. Tous ceux-là ont commencé à se battre entre eux : on rapporte que les sphères sont d’abord entrées dans le soleil, et en sont ressorties pour s’entrechoquer, les grands cylindres ont commencé à se tirer dessus avec des sphères. Pendant une bonne heure, tout cela a combattu violemment et lutté jusqu’à épuisement des forces en s’élevant et s’abaissant devant le soleil. Enfin, comme il a été rapporté, tous les objets ont chuté vers la terre, comme s’ils voulaient tout incendier et sont finalement tombés sur le sol dans un grand élèvement de vapeur et se sont dissous. Après ce spectacle, on raconte qu’est apparue dans le ciel une chose semblable à un grand et large fer de lance noir, son emmanchement orienté à l’est et sa pointe à l’ouest.»
Si la gravure peut paraître impressionnante, c’est parce qu’elle superpose toutes les phases du phénomène décrit, conformément à l’usage du temps. «Évidemment, journalistiquement, cela ne vaut pas grand chose, au vu du contexte et de l’époque. Sauf qu’il y a d’autres témoignages, d’autres écrits rapportant ces événements, qui diffèrent légèrement mais sont tout aussi marquants. Vu que c’est un format de type «canard», il est probable que ça ait été largement amplifié. Il faut aussi savoir qu’on n’est pas très loin de l’époque où apparaissent les feux d’artifice. Des gens assistant pour la première fois à ce spectacle pourraient raconter ce genre de choses. Les Chinois avaient déjà inventé le feu d’artifice depuis longtemps. Est-ce qu’il y a eu une tentative ? Une fête royale dans le secteur ? Je ne sais pas.»
Cependant, le fait que le phénomène ait apparemment duré plusieurs heures et qu’il se soit déroulé sans aucun bruit, met à mal cette hypothèse.
1665 : l’étrange observation d’un astronome et de sa famille
À Hambourg, au XVIIe siècle, Stanislas Lubieniecky est plus qu’un fin observateur du ciel. Ce spécialiste des comètes a écrit à leur sujet une somme colossale intitulée Theatrum Cometicum . Un soir de l’été 1664, en compagnie de sa famille, il observe dans le ciel un phénomène très spécial, qui sera récurrent jusqu’en 1665, et auquel il ne peut apporter aucune explication. Voici la manière dont il le décrit dans son ouvrage :
«Moi, j’ai encore observé il y a deux jours, après 10 heures, avec quelques-uns de ma famille, un phénomène igné [produit par l’action du feu, NDLR] au couchant. D’abord, apparurent deux lueurs scintillantes en ligne droite, presque de la forme d’un œuf, un nuage en leur milieu les divisant comme une ceinture. Peu après une troisième lueur les rejoignit sur le bord inférieur gauche, et jointe avec elles, forma un corps ardent plus grand, cependant divisé au milieu par un nuage plus épais. Quelque temps après qu’il ait brillé, incliné vers la gauche et incurvé comme une trompette, il se mit à diminuer jusqu’à ce qu’il disparaisse.«
Certains esprits critiques, comme l’ufologue sceptique Dominique Caudron, auraient tenté d’expliquer l’observation en arguant que le phénomène ne serait que la Lune cachée par deux petits nuages. Une hypothèse qui ne tient pas pour David Galley : » Je ne pense pas que Lubieniecky ait été aussi idiot que ça ! Il était rompu à l’observation du ciel. En plus, il faut bien imaginer qu’à cette époque-là, même dans les villes, il n’y avait quasiment aucune pollution lumineuse, on observait le ciel comme rarement on le voit aujourd’hui. «
Une croix flottante de 40 mètres de long, en 1826
L’histoire est spectaculaire, et étonnamment peu connue. «Si vous allez au Sacré-Cœur à Montmartre, tout de suite à gauche, vous trouverez un autel de marbre dans lequel est gravée une scène étonnante qui représente une population regardant vers le ciel où se détache immense croix. On pourrait au départ se dire ‘Tiens, c’est peut être une allégorie de l’apparition de la croix de Constantin, au IVᵉ siècle’, or, ce n’est pas du tout ça, c’est beaucoup plus récent«, explique David Galley.
Pour savoir ce qu’il s’est passé, référons-nous à la plaque commémorative apposée au fronton de l’église de Migné, petite commune du Poitou où se sont déroulés les faits : «Le 17 décembre 1826, à 5 heures du soir, par un ciel très pur, plus de 2 000 personnes, dont la plupart vivent encore en 1844, réunies pour la plantation de la croix du jubilé, ont vu pendant une demi-heure une croix lumineuse, longue de 40 mètres, parfaitement régulière, immobile, horizontale, à une hauteur d’environ 35 mètres, au dessus de cette église.»
L’événement date donc de 1826, une période où les républicains battent un peu en retraite, comme le relate le journaliste : «Sur le plan politique, les royalistes sont revenus, donc on va virer les arbres plantés par les républicains pour replanter des croix. C’est ce qui se passe ce fameux 17 décembre 1826. Le fronton de l’église mentionne la présence de 2 000 personnes, mais j’en doute fortement. Disons qu’un millier de personnes sont là, devant l’église, pour replanter une croix en présence de deux prêtres.«
C’est la fin de l’après-midi, le prêtre parle à ses ouailles, mais plus personne ne l’écoute. Tout le monde regarde vers le ciel où lévite une immense croix «argentine» d’après les témoignages, c’est-à-dire couleur argent rosé, longue d’une quarantaine de mètres, et absolument stable.
«Les gens sur place vont s’agenouiller, prier. Certains vont crier, certains vont même paniquer, se réfugier dans l’église. Et puis les deux prêtres qui sont là vont avoir un mal fou à contrôler l’émotion des gens. Ils vont finalement réussir à faire rentrer une grande partie des personnes qui étaient dehors à l’intérieur de l’église, pour reprendre le contrôle sur la foule et prier la Sainte-Croix apparue dans le ciel. Quelques personnes restées à l’extérieur ont continué à voir le phénomène. Ça n’a pas bougé pendant une trentaine de minutes. On sait qu’à la fin, la croix a fini par prendre la forme d’un X avant de disparaître«, poursuit David Galley.
À l’époque, les témoins les plus rationalistes tentent de trouver une explication scientifique à ce qu’ils ont observé. Un sceptique cherche à convaincre son entourage que ce qu’ils ont vu n’était que le reflet du crucifix érigé près de l’église : les flambeaux placés devant l’auraient projeté dans le ciel. Pour David Galley, ces témoignages d’esprits non religieux prouvent que quelque chose s’est réellement passé à Migné ce jour de 1826.
Le journaliste a interrogé des spécialistes de Météo France afin de savoir si l’hypothèse d’un phénomène météorologique était compatible avec l’apparition d’un objet à bords aussi nets. Réponse ? Probablement pas.
Cela aurait-il pu être une sorte d’arnaque montée de toutes pièces par l’Église pour servir sa propagande ? La réalisation en semblerait bien compliquée, sans compter que, comme le souligne David Galley : «Il y a quelque chose qui cloche, c’est le cas de le dire : la croix était inversée. Normalement, toutes les croix sont dirigées vers l’Orient, donc vers Jérusalem. Là, en l’occurrence, elle était dirigée vers l’ouest. D’ailleurs, l’église a été reconstruite dans l’autre sens en l’honneur de cette apparition. Il y a eu des pèlerinages pendant un certain nombre d’années, et puis on n’a plus parlé de cet événement, il ne reste qu’une simple plaque.«
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