Publié le 21 sept. 2023 à 17:48Mis à jour le 21 sept. 2023 à 18:14
Champion de mathématiques, financier chez Goldman Sachs, entrepreneur accompli dans la marine marchande… Il n’a que 35 ans, mais Stefanos Kasselakis appartient déjà à cette catégorie de Grecs partis faire fortune aux Etats-Unis. Dimanche prochain, pourtant, la trajectoire rectiligne de l’homme d’affaires pourrait prendre une toute autre tournure : à la surprise générale, il est désormais le favori pour prendre la succession d’Alexis Tsipras à la tête de Syriza, le premier parti d’opposition.
Arrivé en tête du premier tour de l’élection du nouveau leader du parti avec plus de 45 % des voix, le 17 septembre, Stefanos Kasselakis est en train de provoquer un séisme au sein de la gauche radicale grecque. Peu connu des électeurs il y a encore quelques semaines, il a surclassé tous ses concurrents, vieille garde et jeunes espoirs, et tient la corde dans son duel avec l’ancienne ministre du Travail Efi Achtsioglou (le deuxième tour se tient ce 24 septembre).
Le profil colle plus avec la droite
Le tour de force a débuté le 29 août dernier. Dans une vidéo d’un peu plus de quatre minutes, le trentenaire, physique avantageux et carrure d’athlète, présente en quelques mots son parcours et son projet politique. Brillant élève, il a quitté la Grèce dès l’âge de 14 ans et poursuivi des études à l’université de Pennsylvanie, après avoir décroché une bourse auprès de la célèbre fondation Niarchos.
En 2009, en pleine crise financière, Stefanos Kasselakis entre chez Goldman Sachs – la même banque qui fut accusée d’avoir aidé la Grèce à maquiller ses comptes – avant de se lancer, quelques années plus tard, dans la marine marchande, comme son père.
Financier, armateur : le profil colle plus avec la droite conservatrice au pouvoir, Nouvelle démocratie, qu’à Syriza, un parti né des différentes scissions au sein des mouvements communistes grecs et qui accéda au pouvoir (2015-2019) sur la promesse de mettre fin à l’austérité.
Crise existentielle
Mais le clip a fait le tour des réseaux sociaux et les médias raffolent de ce candidat « à l’américaine », d’un nouveau genre en Grèce. « C’est le prototype du self-made-man jeune et brillant, l’homme providentiel qui attire sur son charme communicationnel alors que son discours comporte beaucoup de confusion idéologique. Ce phénomène est vieux de 30 ans aux Etats-Unis mais est nouveau en Grèce », analyse Filippa Chatzistavrou, professeure de sciences politiques à l’université d’Athènes.
Stefanos Kasselakis doit toutefois se défendre bec et ongles, car les critiques pleuvent au sein du parti. Son programme ne se résume pour l’heure qu’a des propositions sociétales : fin du service militaire, séparation de l’Eglise et de l’Etat, défense des droits LGBT (il s’affiche ouvertement avec son compagnon, une rareté en Grèce). Et ses méthodes – beaucoup de réseaux sociaux, de slogans, peu de fond – ne font pas que diviser au sein de Syriza, elles provoquent une crise existentielle.
Les « pires standards américains »
Le trentenaire n’a « comme principal argument politique que [ses] études ou [sa] carrière ‘brillantes’ dans les affaires, selon les pires standards de la communication politique américaine », dénonçait dans un texte publié fin août un collège de cadres de l’aile gauche du parti, qui soutient l’autre candidate à la présidence, Efi Achtsioglou.
Entre Stefanos Kasselakis et cette dernière, pilier de la nomenklatura du parti, les poids lourds se déchirent depuis les résultats du premier tour. En jeu : la survie de Syriza, qui a été balayé par la droite aux élections législatives et qui est orphelin de celui qui l’a incarné pendant quinze ans, Alexis Tsipras.
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