La poire, l’ovni et le fromage ; Hallu collective plage de la Chambrette ; L’ovni, please, l’ovni… Racontée de façon « série noire » sur un ton décalé et souvent drôle, la cinquantaine de récits regroupés dans l’ouvrage Les ciels incertains, Histoires d’ovnis dans le Sud-Ouest, de Jean-Charles Chapuzet, qui vient de paraître aux éditions Le Festin, nous montre le ciel comme nous ne l’avions encore jamais vu.
Tirés des archives du Geipan (groupe d’études et d’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés), ces récits racontent des histoires d’ovnis – objets volants non identifiés – dans le Sud-Ouest, de 1950 à nos jours. On navigue du complètement loufoque au réellement inexplicable en passant par des phénomènes naturels, des vols d’oiseaux de nuit, de satellites ou de drones, toujours dans une légèreté de ton qui a le talent de nous faire sourire sans (presque) jamais tomber dans la moquerie. « Il y a très peu de témoignages délirants, mais au contraire une vraie sincérité, nous explique Jean-Charles Chapuzet. Ces gens pensent véritablement avoir vu des ovnis, il faut respecter cela. »
« Des chiottes d’avion sont tombées sur la voiture de Mumu »
Historien, journaliste et écrivain, Jean-Charles Chapuzet s’était déjà distingué en 2018 avec son livre Mauvais plan sur la comète, un retour sur l’histoire de ce paysan qui avait construit une soucoupe volante dans son jardin de Germignac en Charente-Maritime, persuadé d’être en connexion avec les extraterrestres, et qui avait fait l’objet d’un épisode de la célèbre émission « Strip-Tease », La soucoupe et le perroquet, en 1993.
« C’est à partir de ce livre que les éditions Le Festin m’ont contacté pour savoir si j’aimerais travailler sur les archives du Geipan, raconte l’auteur. J’ai dit pourquoi pas, et en me plongeant dans les archives de ce service du Cnes (Centre national d’études spatiales) basé à Toulouse, j’ai pris conscience que la magie n’est pas tant dans l’Ovni que dans le témoignage. »
Jean-Charles Chapuzet a clairement déniché de véritables pépites. Comme l’histoire de Murielle, une jeune femme qui contacte la gendarmerie le soir du 1er mars 1986, dans le Limousin, après que sa R5 orange a été impactée par « une pierre de couleur bleue » tombée du ciel et qui est « en train de fondre. » Photos, prélèvements sont réalisés. Des flacons sont même envoyés à un labo américain pour analyses. Puis le Geipan demande une comparaison avec les détergents utilisés par les compagnies aériennes : il s’agit d’un bloc glacé d’effluent de tinette d’aéronef. Bref, « des chiottes d’avion sont tombées sur la voiture de Mumu ».
« J’aime beaucoup aussi l’histoire de ce couple qui bronze en octobre 2017 sur la plage de la Chambrette à la pointe du Verdon dans le Médoc, poursuit Jean-Charles Chapuzet, quand tout à coup ils s’aperçoivent qu’un objet volant et brillant fait demi-tour au-dessus d’eux, et au même moment des filaments blancs tombent du ciel. » Des ovnis seraient-ils en train de balancer des « saloperies » ? Après enquête, le Geipan retrouve la trace d’un Falcon de Dassault venu faire des essais dans le ciel à cet endroit, quant aux filaments blancs, il s’agit de « ballooning », un moyen de locomotion aérienne utilisée par les araignées qui se servent ainsi de leurs fils de soie pour se déplacer au gré du vent.
Le Geipan « brise souvent des mythes »
Au fil des pages, on apprend ainsi plein de choses sur ce qu’il se passe dans le ciel. « C’est pourquoi je n’ai pas voulu rapporter que les cas inexpliqués, pour montrer le travail de la science, en particulier celui du Geipan, qui explique les reflets de satellites, les méprises que l’on peut avoir avec Vénus, les vols d’oiseaux la nuit dont le plumage peut être éclairé avec les lumières de la ville… Ces scientifiques réalisent un travail remarquable, même si à l’arrivée, ils brisent souvent des mythes. »
Jean-Charles Chapuzet relate les histoires avec une grande minutie – quand les témoignages le permettent – tout en s’amusant. « J’ai pris un plaisir fou à écrire ce livre » reconnaît l’écrivain. « Il y a beaucoup de poésie dans toutes ces histoires, et souvent en filigrane il y a une histoire d’amour, un conflit de voisinage, et une vraie notion de territoire. » Ces témoignages sont aussi révélateurs de leurs époques. « Dans les années 1960-1970, il y avait la psychose de la guerre froide, puis il y a eu pas mal d’histoires avec des lanternes thaïlandaises, qui étaient lancées dans le ciel le soir d’Halloween notamment, et qui ont souvent été confondues avec des ovnis, et depuis une dizaine d’années, ce sont plus souvent les drones qui prêtent à confusion…. »
De Bordeaux au Pays basque et de l’Ariège à l’île de Ré, Jean-Charles Chapuzet nous balade dans tout le Sud-Ouest sur une période de soixante-dix ans, croquant au passage l’évolution des mœurs et de notre société. Le tout agrémenté de très belles illustrations réalisées par les équipes du Festin, « sur la base des croquis livrés par les témoins au Geipan, et qui relèvent parfois de l’art brut. » Bref, ce livre est un véritable ovni.
Les ciels incertains, Histoires d’ovnis dans le Sud-Ouest, de Jean-Charles Chapuzet, aux éditions Le Festin, 160 pages, 23 euros.
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